Tous les champignons ne sont pas égaux

Quand on se promène dans la forêt ou les champs, on pourrait avoir l’impression que les champignons poussent facilement partout. Ce n’est pas le cas. Les champignons sont très capricieux. Ils sont susceptibles à tout changement de température, d’aération, ou d’humidité. En plus, ils sont facilement contaminés. Cultiver des champignons est à la fois un art et une science. Les cultiver bien demande de la passion et du dévouement.

Voici Mike, propriétaire de Carleton Mushroom à Osgoode, en Ontario.

Mike représente la deuxième génération de cultivateurs de champignons dans la famille Medeiros. C’est son père qui a démarré l’entreprise en 1984, et Mike est tombé dedans quand il était petit, pour ainsi dire. À l’âge de cinq ans, il assemblait déjà des couvercles de carton pour les boîtes de livraison. Bien des enfants à sa place auraient chigné, lui, il a eu la piqûre des champignons.

Tout a commencé avec neuf salles de croissance. Après 15 ans, ils en bâtissaient une autre, et une salle d’emballage. Au cours des trois dernières années, c’est 17 salles de croissance supplémentaires qui ont été ajoutées, 11 autres seront bâties à l’été 2017, et ils rénovent couramment les installations originales de 1984. Au cours des trois dernières années, l’équipe de Mika a aussi grandi de 30 à 110 employés !

La première chose qu’on remarque en arrivant chez Carleton Mushroom est la propreté impeccable. On pourrait carrément manger par terre. Ce qui nous ramène à la nature capricieuse des champignons. Avant qu’un champignon puisse pousser, tout, mais vraiment tout doit être stérilisé.

Compost certifié bio = champignons certifiés bio.

Afin de véritablement contrôler la qualité de ses champignons, Mike devait s’assurer que tout soit parfait de A à Z. Comme les plantes, les champignons dépendent de leur milieu de culture : le compost. Ce sont les microbes qui se développent pendant la décomposition qui nourrissent les champignons.

« Si ton compost est de mauvaise qualité ou contaminé, tes champignons ne pousseront pas, ou ils vont se gâter. »

C’est pourquoi Mike s’est associé à d’autres producteurs pour construire sa propre fabrique de compost, à Ashburn, en Ontario. Il y produit des milliers de tonnes de compost à chaque semaine.

« Ça coûte un peu plus cher d’être bio. On doit payer la certification. Les fermiers qui ne sont pas bio sauvent des sous. C’est un coût additionnel pour nous, mais on croit à la nourriture saine, en ce qu’on mange … on est fier d’offrir un produit 100% bio. »

Pour assurer la certification biologique, le compost doit doit être bio. En d’autres mots, chaque ingrédient allant à sa composition doit aussi être bio. La recette ? 25% de foin, 75% de paille, un peu de fumier de poulet pour l’apport en nitrogène, des épis de maïs déchiquetés pour un apport en hydrate de carbone, et un peu de gypse pour stabiliser le niveau de pH. Cette mixture est idéale pour les trois types de champignons cultivés par Mike : les blancs, les bruns, et les portobellos.

Ce compost est stérilisé pendant cinq jours avant d’être ensemencé de mycélium et transporté à la ferme.

Plus que bio… c’est écolo et durable aussi.

Une des raisons pour lesquelles on apprécie tellement Carleton Mushroom est qu’ils utilisent les rebuts et les sous-produits des autres (foin, paille, fumier de poulet) pour créer un produit sain et bien vivant.

À leur fabrique de compost de fine pointe, tout se passe à l’intérieur. Ils y ont installé un système de filtration de l’air, avec des épurateurs et des bio-filtres empêchant toute émanation d’odeurs ou d'ammoniaque dans l’environnement. Ce système est unique en Amérique du Nord en ce moment.

Comme les champignons dégagent de la chaleur en poussant (à vrai dire c’est le compost qui en dégage en décomposant), les coûts de chauffage sont réduits, mais ce n’est pas assez pour Carleton Mushroom. Tous leurs toits sont isolés en double et toutes les salles de croissance sont scellées. Ils s’assurent aussi d’utiliser les équipements de pointe les moins énergivore qu’ils puissent trouver.

En plus, tous leurs propres sous-produits et rebuts - le compost des salles de croissance et les pieds de champignons - sont recyclés par quelqu’un d’autre qui vend le tout comme compost à jardin.

Réduire, réutiliser, recycler… oui !

Les plantes viennent de graines. Les champignons ?

Les champignons n’ont pas de graines, ils ont des spores. C’est en laboratoire que ces spores sont transformés en mycélium. Des graines de millet et de seigle stérilisées sont utilisées comme substrat pour le mycélium, et c’est avec ça que le compost est ensemencé.

Deux semaines plus tard, le compost ensemencé est transporté jusqu’aux salles de croissance. Le mycélium, une substance filamenteuse et blanchâtre de laquelle émergent les champignons, se mets alors à se propager. En six à sept jours à peine, le compost en est complètement envahi.

Ceci n’est pas une bétonneuse. Rappelons-nous, les champignons sont capricieux. Le compost ne leur suffit pas. Ils ont aussi besoin bonne terre bien riche.

Comme avec le compost, Mike contrôle la recette lui-même. De la tourbe, de la terre noire, de la chaux de betteraves et de l’eau sont combinées dans ce camion avant d’être étendues sur le compost ensemencé de mycélium.

Des salles de croissances impeccables.

Avant que le compost ensemencé puissent être étendu, la salle de croissance en entier doit être stérilisée à la vapeur. C’est seulement après cette désinfection que le compost ensemencé peut être étendu et recouvert de deux pouces de terre.

Après une journée, le mycélium commence à remonter vers la surface.

Après sept jours, le mycélium a complètement envahi le substrat de compost et de terre, et commence à pointer.

Après 15 jours seulement, les champignons sont prêts à récolter.

Chez Carleton Mushroom, six de ces salles de croissance sont vidées et remplies à chaque semaine !

Tacheture bactérienne, aération, et autres défis.

« Les champignons sont très sensibles. S’il fait froid, ça ne marche pas. S’il fait chaud, ça ne marche pas. »

Température, aération, et humidité doivent être contrôlé en tout temp.

Mike nous explique que les autres producteurs de champignons ont de la difficulté à maintenir cet équilibre assez précaire parce qu’ils prennent l’air de l’extérieur et essaient de la contrôler. Ça crée un air instable. Les champignons n’aiment pas ça. Ils aiment la stabilité.

Carleton Mushroom a donc installé un système qui recycle et nettoie complètement l’air des salles de croissance avant de la faire recirculer. En plus, chaque salle a son propre système d’aération ! De cette façon, les ajustements restent minimes, les niveaux sont toujours optimaux, et les conditions de croissance plus faciles à contrôler.

« Quelques fermes ont copié notre système, mais c’est mon père qui a parti le bal il y a 15 ans. Une température stable donne un meilleur champignon qui se garde plus longtemps. À chaque canicule, il y a une pénurie de champignons, toujours. Ça n’arrive pas chez nous. »

Si tous ces paramètres ne sont pas contrôlés ? Et bien, avez-vous déjà acheté des champignons au magasin pour vous rendre compte, une fois à la maison, qu’ils étaient pleins de petites taches rosâtres ?

« Quand un champignon est mouillé, il vire au rouge, développe des taches, c’est la tacheture bactérienne, ça arrive quand les fermes ne contrôlent pas leur air. Et quand il fait trop sec, les champignons forment des galles et pèlent. »

Tout doit être contrôlé à la perfection en tout temps, sinon les champignons ne recevront pas ce dont ils ont besoin.

« Tu dois être vigilant chaque jour. C’est pour ça qu’on travaille six à sept jours par semaine. Il faut être alerte pas mal tout le temps, le doigt sur le piton. C’est difficile, mais on aime ça. C’est gratifiant. On essaie de bâtir quelque chose pour la génération suivante. »

Mike espère que ses neveux et nièces maintiennent la tradition familiale.

Agaric blanc, cremini & portobello ?

Oui et non… Mike cultive trois types de champignons, mais pas trois variétés…

… les portobellos ne sont en réalité que des champignons cremini (bruns) plus mûrs. Ceux que vous voyez ici deviendront des portobellos dans environ trois jours.

Et comme dit Mike : « Dans le monde des champignons, plus c’est mûr, plus y’a de goût. »

« Un bon cueilleur est important. »

Les choses commencent vraiment à bouger le jour de la récolte. Un bon cueilleur fait toute la différence.

« Il faut cueillir vite mais sans enlever trop de terre et de mycélium, sinon on se retrouve avec un grand trou où plus rien ne pousse. Et ça, ça affecte le rendement. »

Les cueilleurs doivent donc cueillir uniquement les champignons ayant atteint la bonne taille. Ils ne prennent pas tout d’un seul coup. De cette façon, ils créent de la place pour les champignons qui sortiront le jour suivant. Ils font ça pendant environ quatre jours, et les champignons continuent à émerger du mycélium.

« Après ça, on a les entre-deux, les retardataires. Ce sont des champignons assez durs. On les utilise pour faire nos champignons tranchés. »

Ensuite, il y a une deuxième percée, et les cueilleurs peuvent reprendre le travail dans la même salle de croissance pour quatre ou cinq jours de plus. Après la cueillette, tout est dirigé vers la salle d’emballage qui, elle aussi, est impeccablement propre.

Il ne reste qu’une étape importante avant l’emballage. Si les champignons ne sont pas refroidis, ils continueront à croître dans leur emballage. C’est la raison pour laquelle ils sont refroidis sous-vide à une température de 2°C avant d’être pesés et emballés.

« On cueille, on emballe, et on livre dans la même journée. »

50 jours.

Du compost à la cueillette, le processus prend 50 jours. 50 jours qui exigent passion et dévouement à chaque étape. Mais ça en vaut la peine. Les champignons de Carleton Mushroom sont fermes, il goûtent ce qu’un champignon devrait goûter, et ils se conservent plus longtemps. Leurs champignons blancs, bruns et portobellos sont franchement excellents.

On est assez admiratif de Mike. Les Fermes Lufa cherchent toujours à s’associer à des gens qui partagent notre vision, à des fermiers qui ont le désir de faire de belles et bonnes choses, et qui produisent de la nourriture saine de façon responsable. On croit qu’il est important pour les Lufavores de connaître leurs fermiers, de savoir d’où vient leur nourriture, et comment elle est produite. Ce qui explique cette petite histoire de Mike et ses champignons.

Bon appétit !